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Les ciseaux génétiques : L'enthousiasme et les inquiétudes Start-up 06 février 2023

06 février 2023 à 11h52 - 1686 vues

Par Félicité VINCENT

Les avancées du génie génétique ont permis de faire de remarquables progrès dans la connaissance du «vivant » en quelques décennies. Elles ont apporté des solutions largement adoptées pour le traitement ou la prévention de maladies invalidantes voire mortelles (diabète, anémies, pathologies inflammatoires chroniques, infections). Par conséquent certaines applications de la biologie moléculaire pour la rationalisation  de l’agriculture ou de la sylviculture avec des plantes génétiquement modifiées (maïs, soja, coton, tomate, pomme de terre, peuplier, eucalyptus, papayer) sont controversées, notamment en Europe.

Le développement de certaines méthodes de mutagenèse ciblée et l’émergence de la technique d’édition génomique basée sur les ciseaux moléculaires CRISP-CAS offrent de nouvelles perspectives pour traiter par thérapie génique des pathologies complexes comme par exemple le cancer ou les maladies génétiques incurables, pour sélectionner des plantes résistantes à la sécheresse ou à des maladies) et même éradiquer des espèces indésirables comme des insectes vecteurs de maladies, des rongeurs envahissants…

Toutes ces procédés tel qu'ils soient par les promesses des possibles applications (connues ou futures) de ces méthodes nouvelles de modification du génome des êtres vivants – voire de leur descendance, les modalités ou/et finalités de leur utilisation ne sont pas dénuées de risques à court, moyen ou long terme.

Un peu d’histoire

Nous constatons que depuis leur apparition sur terre il y a près de 4,3 milliards d’années, les êtres vivants n’ont cessé d’être modifiés.

Ainsi donc par des processus naturels lents, d’abord : et de génération en génération ils ont acquis et transmis des caractéristiques biologiques nouvelles qui, sur un temps (très) long, a permis l’apparition de nombreuses variétés et espèces dont l’incommensurable diversité est le gage de la pérennité du monde vivant auquel nous appartenons.

Avec la découverte de l’agriculture il y a plus de 10 000 ans, l’homme a commencé à modifier des plantes et des animaux de façon empirique.

- C'est en choisissant les variétés végétales les plus performantes (en quantité ou/et en qualité) puis et en utilisant leurs graines ou leurs fruits pour (ensemencer) la culture suivante

-en sélectionnant les reproducteurs les plus intéressants (pour un ou plusieurs de leurs caractères) chez les différentes espèces animales domestiquées pour leur viande, leur lait, leurs œufs, leur pelage ou leur force de travail.

C’est au XIXe siècle que la génétique devient une discipline scientifique dont les bases on été posées avec la théorie de l’évolution de Darwin en 1859 et les lois de Mendel sur la transmission des caractères héréditaires en 1865. C'est à partir  de 1944 pour que qu’Oswald Avery constate le stockage de l’information génétique sur l’ADN.

C'est avec le progrès des connaissances sur la structure de l’ADN et le rôle des gènes dans les fonctions cellulaires des organismes vivants, qu'un corpus de techniques permettant de modifier l’ADN a vu le jour à partir des années 1960.

La première transgénèse, qui consistait à insérer un gène viral dans une bactérie a été réalisée par Paul Berg en 1972. Avec ses innombrables applications en recherche académique, que cette technique a permis de produire

- Par exemple des protéines thérapeutiques : insuline, hormone de croissance, érythropoïétine, interféron, anticorps monoclonaux, vaccins etc.

-des OGM végétaux résistants aux maladies ou aux herbicides (pyrale du Maïs, glyphosate ou plus performants (riz enrichi en vitamine A, peuplier à forte croissance).

En revanche les essais thérapie génique ou clonage d’animaux utilisant cette technologiques ont donné des résultats mitigés voire décevant à cause de l’insertion “au hasard” du gène transféré au génome « receveur ».

Edition génomique et modification ciblée de l’ADN

L’édition génomique est une technique du génie génétique qui consiste à agir sur le génome d’une cellule avec une grande précision. Les premiers systèmes d’édition génomique ((TALEN, Doigts de Zinc) ont recours à des enzymes appelées nucléases qui coupent l’ADN à un endroit prédéfini du génome. Par le fait de la très grande spécificité des enzymes naturelles, leur répertoire est limité ce qui a nécessité développement d’une ingénierie complexe pour disposer de nouvelles méga nucléases et intervenir sur une grande variété de gènes.

Le CRISPR-CAS comment ça marche t-il ?

Ils sont découverts en 2012, les nouveaux ciseaux moléculaires Crisp Cas9 permettent couper l’ADN en un endroit précisément choisi grâce une enzyme associée une sonde ARN va détecter spécifiquement la zone d’intérêt du gène sur lequel se fait «l’intervention» en modifiant une séquence codante déjà présente sur le génome ou en ajoutant une séquence d’ADN supplémentaire. C'est donc ce nouvel outil simple, rapide, efficace et peu coûteux peut être utilisé dans n’importe quelle cellule.

Application à la thérapie génique chez l’homme

Ainsi naît le concept de thérapie génique, réparation ou modification du génome pour traiter une maladie, est apparu dès les années 1960. C'est donc les premiers essais sont menés de 1990 à 2000 ont été décevant et il faudra attendre les travaux de l’équipe d’Alain Fisher en France sur des enfants génétiquement immuno déficients pour confirmer l’efficacité d’un transfert de gène pour restaurer la fonctionnalité altérée et guérir les « bébés bulles » ainsi soignés. Cet essai a également montré les limites du protocole par transgénèse : faute de pouvoir contrôler l’emplacement du gène réparateur dans le génome, il s’est intégré dans des zones sensibles et a provoqué des effets secondaires (leucémie) chez de quatre des vingt enfants traités lors de cet essai. Il y a de nombreux travaux qui ont ensuite été menés pour améliorer la réparation ou la modification d’un génome par une intervention en un lieu précis de sa séquence grâce aux techniques d’édition génomique.

Des résultats encourageants…

Avec les premiers essais/test de thérapie génique utilisant l’édition génomique ont été réalisés qu'à partir de la fin des années 2010 sur des patients souffrant de maladies génétiques,

-C'est en 2018 sur un personne atteinte de la maladie de Hunter, une pathologie dégénérative causé par un déficit enzymatique,

en 2019 sur patients souffrants de maladies du sang héréditaires (bêta-thalassémie, drépanocytose), causées par des anomalies de l’hémoglobine,

-en 2020 chez un malade atteint de cécité d’origine génétique (amaurose congénitale de Leber) due à la perte de photosensibilité des cellules rétiniennes.

D’autres essais d’application de l’édition génomique avec sont en cours pour traitement plusieurs autres maladies génétiques comme la mucoviscidose la myopathie de Duchenne ou l’hémophilie B par exemple.

C'est l’édition génomique avec le système CRISPR-CAS9 qui ouvre de nouvelles approches thérapeutiques en cancérologie et en infectiologie.

- C'est dans le domaine du cancer, l’édition génomique avec CRISPR/Cas9 peut être utilisée pour renforcer des cellules du système immunitaires, des lymphocytes T, en leur ajoutant le gène d’un récepteur (Chimeric Antigen Receptor – CAR) qui leur permet de reconnaître spécifiquement les cellules tumorales et de les éliminer.

-Il y a des travaux qui sont en cours pour traiter le Sida en utilisant l’édition génomique pour inactiver des gènes humains qui permettent l’infection par le VIH.

Dans la quasi-totalité des essais c’est par une intervention sur le génome que des cellules du malade qui sont modifiées ex vivo pour lui être réinjectées ensuite. Il faudra encore du temps pour s’affranchir de ces contraintes.

- Qui permet d'intervenir sur l’ADN in vivo, ce qui est possible mais beaucoup plus complexe,

- Qui permet de passer de traitements personnalisés autologues à une médecine de précision plus générique qui n’utilise pas forcément/nécessairement les cellules du patient à soigner,

-pour cibler l’épi génome qui influe sur l’expression des gènes

…Et des limites éthiques

Toutes ces techniques de modification du génome peuvent être utilisées sur des cellules somatiques peuvent aussi, théoriquement, être appliquées aux cellules germinales ou à l’embryon (ce qui a été fait chez l’animal) ce qui pose d’évidentes questions d’éthique compte tenu du risque de dérives eugéniques.

C'est depuis 1994 que la loi française interdit explicitement toute transformation des caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne. La convention internationales d’Oviedo signée par 35 pays dont la France, précise qu’« une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n’a pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance ».

De toute évidence, il est à noter que les dispositifs réglementaires sont très différents suivant les pays.

- C'est suite à la naissance en Chine de jumelles au génome modifié pour les rendre résistantes au SIDA (2018) la Chine a annoncé le renforcement de sa réglementation sur les modifications intentionnelles des gènes chez l’être humain.

-Les États-Unis n’ont pas de loi interdisant la recherche sur l’embryon mais ces recherches ne sont pas approuvées par la FDA et ne peuvent pas être financées par des fonds fédéraux. C'est en 2017 qu'un rapport de l’académie des sciences sur l’édition génomique énonce que pour l’édition génomique avec des cellules germinales « caution does not mean prohibition » et recommande que des essais thérapeutiques puissent être autorisés dans des conditions incontestables et sous une surveillance stricte dans des cas exceptionnels en l’absence d’alternatives thérapeutiques.

Il faut être lucide sur le fond, car il est important de faire la différence entre la médecine qui cherche à éradiquer des maladies précoces et incurables d’une part et la marchandisation sans scrupule qui proposerait à des parents d’avoir des enfants beaux, forts, et intelligents d’autre part.

- Il y a des  travaux  qui sont en cours pour traiter le Sida en utilisant l’édition génomique pour inactiver des gènes humains qui permettent l’infection par le VIH.

Dans la quasi-totalité des essais c’est par une intervention sur le génome que des cellules du malade qui sont modifiées ex vivo pour lui être réinjectées ensuite. Il faudra encore du temps pour s’affranchir de ces contraintes.

- C'est pour intervenir sur l’ADN in vivo, ce qui est possible mais beaucoup plus complexe encore,

- C'est pour passer de traitements personnalisés autologues à une médecine de précision plus générique qui n’utilise pas forcément/nécessairement les cellules du patient à soigner,

-pour cibler l’épi génome qui influe sur l’expression des gènes.

…Et des limites éthiques

Toutes ces techniques de modification du génome utilisées sur des cellules somatiques peuvent aussi, théoriquement, être appliquées aux cellules germinales ou à l’embryon (ce qui a été fait chez l’animal) ce qui pose d’évidentes questions d’éthique compte tenu du risque de dérives eugéniques.

C'est depuis 1994 que la loi française interdit explicitement toute transformation des caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne. La convention internationales d’Oviedo signée par 35 pays dont la France, précise qu’« une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n’a pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance ».

De toute évidence,  il faut noter que les dispositifs réglementaires sont très différents suivant les pays.

- C'est suite à la naissance en Chine de jumelles au génome modifié pour les rendre résistantes au SIDA (2018) la Chine a annoncé le renforcement de sa réglementation sur les modifications intentionnelles des gènes chez l’être humain.

-Les États-Unis n’ont pas de loi interdisant la recherche sur l’embryon mais ces recherches ne sont pas approuvées par la FDA et ne peuvent pas être financées par des fonds fédéraux.  C'est en 2017 qu'un rapport de l’académie des sciences sur l’édition génomique énonce que pour l’édition génomique avec des cellules germinales « caution does not mean prohibition » et recommande que des essais thérapeutiques puissent être autorisés dans des conditions incontestables et sous une surveillance stricte dans des cas exceptionnels en l’absence d’alternatives thérapeutiques.

C'est sur le fond qu'il est très important de faire la différence entre la médecine qui cherche à éradiquer des maladies précoces et incurables d’une part et la marchandisation sans scrupule qui proposerait à des parents d’avoir des enfants beaux, forts, et intelligents d’autre part.

Les autres applications de l’édition génomique sont la sélection végétale, élevage, lutte contre les parasites : les perspectives d’applications de l’édition génomique sont nombreuses et foisonnent depuis la découverte des ciseaux génétiques CRISPR-CAS9

Sélection végétale

Sur les plantes cultivées sont la base l’alimentation des humains et des animaux d’élevage, des matières premières pour l’industrie et des objets d’ornement: elles représentent un enjeu socio-économique majeur et un marché colossal. Cela explique certainement la rapidité et la multiplicité des développements dont on donnera la liste ici ceux qui sont les plus représentatifs de la créativité dans ce domaine.

-Céréales : blé résistant à l’oïdium ou « pourriture blanche », colza tolérant aux herbicides à base de sulfonylurée, maïs à amidon sans amylose, orge à paille courte, soja enrichi en acides gras insaturé (acide oléique)…

-Les fruits et légumes : comme le cacao résistant aux maladies fongiques, fraise plus sucrée, pêche à maturité précoce, pamplemousse sans pépin ; concombre résistant au potyvirus, laitue naine, pomme de terre à forte teneur en amylopectine, tomate enrichie en acide gamma-aminobutyrique (favorise la baisse de la tension artérielle)…

La vigne résistante au mildiou, champignons de Paris qui ne brunissent pas à la coupe, gazon à taille réduite pour réduire la fréquence des tontes, espèces ornementales (port plus compact, feuillage panaché, couleur des fleurs…), algues enrichies en huile pour la production de biocarburants.

Élevage

C'est de  (1980-2010), en dehors de la recherche fondamentale, les rares travaux sur les animaux génétiquement modifiés  qui se sont limités à la production de biomédicaments à forte valeur ajoutée (anticoagulant dans du lait de chèvre transgénique).  Les progrès sont significatives du ciblage génomique grâce au système Crispr-Cas9, les expérimentations se sont multipliées et portent sur toutes sortes d’animaux.

 L’édition génomique a été faites pour créer des animaux plus robustes et résilients aux maladies, pour améliorer la qualité des produits (viande, lait, œufs), pour accroître la compétitivité économique des races ou pour abaisser leur empreinte environnementale. Dans  cet inventaire à la Prévert de tous ces projets on peut citer :

  Les vaches qui sont sans cornes (réduction des blessures dans les élevages intensifs), les vaches à poil court (meilleure tolérance à la chaleur), les vaches résistantes à la tuberculose ;

– Les porcs résistants au virus du syndrome dysgénésique et respiratoire porcin (SDRP), les porcs génétiquement modifié pour être donneurs d’organe à l’homme (rein) ;

– Le poulet résistant à la leucose aviaire, les poules pondeuses d’œufs hypoallergéniques ;

  Les moutons, des lapins et même des chiens hyper musclés par extinction du gène de la myostatine qui inhibe la formation de masse musculaire.

Insectes et espèces indésirables

 Le système CRISPR-Cas9, est un gène de résistance au paludisme peut être inséré dans le génome des moustiques qui en sont les vecteurs de telle sorte qu’ils le transmettent à 100 % de leur descendance.

Une autre stratégie de lutte contre la malaria consiste à éteindre les gènes de la fécondité des femelles et de la fertilité des mâles chez ce moustique ce qui permet de l’éradiquer en quelques générations.

La deuxième stratégie est aussi testée pour éradiquer dans des îles des rongeurs importés qui ont proliféré au point d’être une menace pour la biodiversité locale

La modification du génome des végétaux et des animaux posent question...

Un bon nombre  de toutes ces application de l’édition génomique dans les cultures végétales, chez les animaux d’élevages ou les insectes sont intéressantes et même très utiles (lutte contre le paludisme qui affecte 200 millions de personnes et en tue plus de 400 000 dans le monde chaque année).

Toutes ces projets d’utilisation de ces techniques nouvelles n’est pas sans poser de questions :

– Quel est le risque de « contamination » d’autres espèces que la population cible ?

– Quels en sont les effets sur les écosystèmes (et la biodiversité) de la propagation de populations issues de espèces porteuses de gènes retouchés (ou transférés) : l’éradication de moustiques impacte-t-elle la pollinisation des plantes sur leur territoire ou/et l’alimentation de leurs prédateurs ?

-quels sont les risques à long terme pour l’espèce en cas de dérive de l’expression des caractères modifiés ?

-Comment nous pouvons tracer les espèces modifiées ?

-Comment nous pouvons arrêter la propagation du gène retouché ou transféré en cas d’apparition d’effets adverses.

La réponse à ces questions demande de poursuivre les recherches sur le temps long et d’élargir le champ des études avec des multiples scenarii afin de déterminer le ratio bénéfices/risques avec la prudence qui s’impose. C’est en prenant le temps de documenter, avec des données factuelles, les applications de ces nouvelles techniques que l’ont pourra apaiser des polémiques récurrentes trop souvent polarisées sur les seules technologies employées.

Pour conclure

L’utilisation plus raisonnée de tous ces nouveaux outils du génétique que sont l’édition génomique et le système CRISP-CAS, nécessite avant tout une information du public et l’instauration d’un débat continu entre toutes les parties prenantes : les scientifiques et les industriels ne peuvent décider seuls (ils seraient juge et partie), la « société » a son mot à dire ! Les citoyens doivent être associés à la réflexion collective qui renvoie autant à des réflexions scientifiques, médicales, économiques et juridiques, qu’à des questions sociétales, philosophiques et éthiques

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